Violaine Boutet de Monvel (Sorbonne Nouvelle / NECS / AICA-USA). De la cybernétique à l’intelligence artificielle : quelles icônes pour l’agentivité vidéo ?

Dès 1963 en Europe puis aux États-Unis, deux artistes Fluxus – le Sud-Coréen Nam June Paik et l’Allemand Wolf Vostell –abordèrent de primeur l’image électronique en s’en prenant directement au poste de télévision, l’intrusion et le détournement duquel en situation d’exposition virent les prémices de ce qui allait devenir la discipline historique de l’art vidéo.En perturbant volontairement le signal d’émissions en cours de diffusion, ils pavèrent la voie vers l’examen formaliste et phénoménologique de la vidéo primitive, analogique, et érigèrent les fondations d’une nouvelle pratique expérimentale de l’image en mouvement révolutionnée par la cybernétique, sous le prisme de l’agentivité de ce médium comme des participants.

Telle qu’introduite en 1948 par le mathématicien américain Norbert, la cybernétique stipulait en effet que le mécanisme derrière le maintien de tout système biologique était lefeedback, par définition un processus d’autorégulation dans lequel un effet intervient aussi comme agent causal sur sa propre origine. Cette science comparative des êtres vivants et des machines en vint alors à chercher les moyens d’automatiser ce processus afin de créer des engins capables de s’autogouverner, à l’origine des réseaux de neurones informatiques qui débouchèrent sur l’intelligence artificielle.

À la lumière de ces enjeux historiques et des développements fulgurants de l’intelligence artificielle au 21èmesiècle que cette communication propose à l’analyse comparée au carrefour de l’histoire de l’art et de la théorie des médias, est-il possible qu’une technologie – celle de l’image électronique par l’intermédiaire de la télévision, de la vidéo, puis des réseaux antagonistes génératifs (GANs) – ait su susciter une ou des icône(s) spécifique(s) comme l’ont été, par exemple, la ruine au romantisme ou encore la Vierge à l’Enfant au christianisme, quoi qu’il en soit des canons dont la nature électrique même du mode de diffusion dote déjà à elle seule du pouvoir de voyager à la vitesse de la lumière, par-delà les continents et en deçà de l’imaginaire d’un artiste donné ou du rayonnement de son influence propre ?

Grégory Chatonsky, Disnovation1 (2022) : vue de l’installation dans Les âges de l’image, 17ème édition du Festival Hors Piste, Centre Pompidou, 20 janvier – 6 février 2022.

Violaine Boutet de Monvel est chercheuse, critique d’art et traductrice. Elle poursuit actuellement un doctorat en cinéma et audiovisuel sous la direction d’Antonio Somaini et Térésa Faucon à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, où elle enseigne l’art vidéo, ayant précédemment enseigné l’art moderne et contemporain à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sa recherche porte sur les formes et l’héritage du feedback vidéo de la cybernétique à l’intelligence artificielle.Elle est intervenue dans plusieurs séminaires et colloques, notamment à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et Emory University. Elle est également l’autrice d’essais de monographie et catalogues d’exposition (Grégory Chatonsky, Pierre Ardouvin, Jan Fabre, Benjamin Sabatier, etc.), ainsi que de nombreux articles de presse publiés dans des revues d’art principalement anglophones (ArtReviewFriezeAperture, etc.). Elle est membre du NECS (réseau européen de chercheurs en cinéma et audiovisuel) et d’AICA-USA (section américaine de l’Association Internationale des Critiques d’Art).

www.violaineboutetdemonvel.com

Sélection de publications

Benjamin Sabatier – Inventaire, Anamosa (Paris, FR), 2022.

« Perversions perverties : le carnavalesque, le congolesque », in Violaine Boutet de Monvel, Blandine Gwizdala, Paul Ardenne, Numa Hambursin, Jan Fabre – Folklore Sexuel Belge (2017-2018) Mer du Nord Sexuelle Belge (2018), cat. exp., Templon (Paris, FR), 2019, pp. 4-6.

« Sous une peau abyssale », in Violaine Boutet de Monvel, Julie Crenn, Pierre Ardouvin – Retour d’Abyssinie, cat. exp., Labanque (Béthune, FR), 2018, pp. 50-55.

La multiplicité de l’espace dans l’oeuvre de Bill Viola, EUE (Saarbrücken, DE), 2011, 112 p.

« Dislocation : vers une sémiotique figurative libérée », in Michael Joyce, Violaine Boutet de Monvel, Pau Waelder, Nathalie Leleu, Jay Murphy, Capture – Grégory Chatonsky, HYX (Orléans, FR), 2011, pp. 11-17.

« Le Passage du texte à l’image vidéo », in Alain Georges Leduc, Annabelle Ténèze, Camille Debrabant, Ludovic Recchia, Violaine Boutet de Monvel, Actes du Colloque : Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, ÉSAL – Musée de l’Image (Épinal, FR), 2010, pp. 34-40.

“Interview with Dan Graham: Minimalism Against Minimalism,” Esse arts + opinions(Montreal, CA), no. 61 – Fear, Autumn 2007, pp. 46-53.